Dans le monde du football brésilien, on appelle cela une « virada ». En France, on utilisera plutôt l’espagnol « remontada », soit un retournement de situation spectaculaire, permettant à une équipe donnée perdante de l’emporter sur son adversaire. C’est peu dire si l’expression va aujourd’hui comme un gant à Luiz Inacio Lula da Silva, vainqueur au second tour de la présidentielle brésilienne face à Jair Bolsonaro avec 50,9 % des voix, dimanche 30 octobre.
Le « phénix du Brésil » revient de loin. De très loin. Il y a trois ans à peine, Lula était encore en prison, condamné à douze ans et un mois pour corruption. Un temps retranché au syndicat des métallos de Sao Bernardo do Campo, le leader de la gauche avait fini par se rendre. Le 7 avril 2018, il était emmené vers sa cellule de Curitiba, de nuit et par hélicoptère, comme un criminel. A l’époque, la presse entière décrivait un Lula fini, mort politiquement, enterré dans la honte.
Derrière les barreaux, Lula a assisté dépité à la victoire de Jair Bolsonaro à la présidentielle d’octobre 2018, pour laquelle il partait favori. Pire : il a vu son pire ennemi, Sergio Moro, juge « star » de l’opération « Lava Jato » qui l’avait condamné, devenir ministre de la justice. L’ancien leader syndical, fondateur du grand Parti des travailleurs (PT), président d’une décennie dorée (2003-2011), qualifié d’« homme politique le plus populaire au monde » par Barack Obama lui-même, n’était plus que l’ombre de lui-même.
Lula a alors 73 ans. Mais il ne baisse pas les bras. Il croit en son étoile. C’est dans sa nature : né dans la misère du Nordeste, l’ancien syndicaliste métallo a cinquante ans de vie politique dans les pattes. Il sait l’histoire brésilienne tortueuse. Il prédit que l’extrême droite ne résistera pas à l’expérience du pouvoir et que le Brésil, tôt ou tard, se retournera vers lui. « Les puissants peuvent tuer une, deux, trois roses, mais ils ne pourront pas empêcher la venue du printemps ! », assurait-il à son entrée en prison.
L’homme a tiré les leçons du passé
L’histoire lui donnera raison. A Curitiba, Lula ne reste pas inactif. Il lit, fait du sport, enchaîne les interviews, reçoit ses amis du monde entier (parmi eux, le Français Jean-Luc Mélenchon). En coulisses, ses avocats s’activent. Le 8 novembre 2019, à la surprise générale, ils obtiennent une décision favorable du Tribunal suprême fédéral : nul ne peut être emprisonné avant l’épuisement de ses recours, décrète la plus haute instance judiciaire du pays. Lula sort de prison. Il y aura passé 580 jours.
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