Insee Analyses RéunionAccès aux soins à La Réunion - 84 000 Réunionnais à plus de 30 minutes des urgences

Ludovic Besson (Insee), Florence Caliez (ARS OI)

En 2013, La Réunion est bien pourvue en offre de santé libérale de premier recours. La présence de médecins généralistes et chirurgiens-dentistes est comparable à celle de la métropole. Les infirmiers et masseurs-kinésithérapeutes y sont même plus présents. Ainsi, 95 % des Réunionnais sont à moins de 10 minutes en voiture du médecin généraliste le plus proche. Les Réunionnais consultent également plus souvent les praticiens de premier recours que les Métropolitains ou les autres ultramarins, en particulier les infirmiers (deux fois plus).

Hormis les sages-femmes, les spécialistes (ophtalmologues, psychiatres, gynécologues, pédiatres) sont plus rares à La Réunion. Outre leur faible densité, ils s’installent le plus souvent dans les centres-villes des grandes communes. Les temps d’accès sont alors 3 fois plus longs que pour consulter un généraliste. L’accès aux professionnels de santé est inégalitaire: la situation des habitants de l’Est mais aussi des Hauts de l’île ou du Sud rural est moins favorable que celle du Nord ou de l’Ouest.

Les Réunionnais mettent en moyenne 16 minutes en voiture pour se rendre à l’hôpital le plus proche. Le temps d’accès est plus élevé pour les habitants du Sud (19 minutes) que pour ceux du Nord (11 minutes). Mais un Réunionnais sur dix se situe à plus de 30 minutes des urgences (84 000 habitants).

L’offre étendue de spécialités hospitalières, qui s'accroît encore depuis la création du CHU de La Réunion, permet une quasi-autonomie: 98 % des Réunionnais hospitalisés le sont sur l’île.

Insee Analyses Réunion
No 19
Paru le :Paru le10/11/2016
Ludovic Besson (Insee), Florence Caliez (ARS OI)
Insee Analyses Réunion No 19- Novembre 2016

À La Réunion, les professionnels de santé de premier recours (médecin généraliste, infirmier, masseur-kinésithérapeute, chirurgien-dentiste) sont bien implantés. Rapporté à la population, le nombre de médecins généralistes est équivalent à la métropole. En revanche, le nombre d’infirmiers et de masseurs-kinésithérapeutes est bien supérieur et continue de croître (figure 1).

En 2013, 796 médecins généralistes libéraux exercent dans l’île. Ainsi, 95 médecins généralistes libéraux exercent pour 100000 habitants, soit beaucoup plus que dans les autres DOM (72 en Martinique et en Guadeloupe et 41 en Guyane) et autant qu’en métropole (93 pour 100 000 habitants). La Réunion se situe à la 40e place des départements français, au même niveau que la Loire-Atlantique et le Maine-et-Loire.

Figure 1Des praticiens de premier recours nombreux, mais des spécialistes plus rares - Densité de professionnels de santé libéraux en 2013

Des praticiens de premier recours nombreux, mais des spécialistes plus rares - Densité de professionnels de santé libéraux en 2013
La Réunion Guadeloupe Martinique Guyane France métropolitaine
Effectifs de praticiens pour 100 000 habitants pour 100 000 habitants
Médecin généraliste 796 95 72 72 41 93
Infirmier 1 397 167 221 246 82 115
Masseur-kinésithérapeute 968 116 89 91 29 87
Chirurgien-dentiste 437 52 39 40 23 57
Ophtalmologue 39 5 6 7 2 7
Sage-femme * 110 51 44 44 32 26
Psychiatre 33 4 2 2 - 10
Gynécologue ** 49 15 17 13 18 19
Pédiatre *** 34 17 25 19 2 23
  • * champ des femmes de 15 à 49 ans
  • ** champ des femmes de 15 ans et plus
  • *** champ des enfants de moins de 15 ans
  • Sources : SNIIR-AM CNAM-TS 2013 / Insee, Recensement de la population 2013.

Moins de généralistes et de dentistes dans l’Est

Si les professionnels de santé de premier recours sont globalement bien implantés sur l’île, leur répartition sur le territoire n’est pas pour autant homogène. L’Est est moins bien doté, en particulier en médecins généralistes (81 pour 100 000 habitants) et en dentistes (38 pour 100 000 habitants) (figure 2).

En revanche, les infirmiers y sont les plus nombreux, leur installation ayant été favorisée par la zone franche urbaine de la Cressonnière. Les masseurs-kinésithérapeutes sont quant à eux plus souvent présents dans le Sud et l’Ouest (139 pour 100 000 habitants contre 116 à La Réunion et 87 en métropole).

Figure 2L'Ouest et le Sud attirent davantage les masseurs-kinésithérapeutes

nombre pour 100 000 habitants
L'Ouest et le Sud attirent davantage les masseurs-kinésithérapeutes (nombre pour 100 000 habitants)
Est Nord Ouest Sud
Praticiens libéraux de premier recours Médecin| généraliste 81 89 108 96
Praticiens libéraux de premier recours Masseur-|kinésithérapeute 75 83 139 139
Praticiens libéraux de premier recours Chirurgien-|dentiste 38 53 59 53
Praticiens libéraux de premier recours Infirmier 181 155 157 177
Praticiens libéraux spécialisés Ophtalmologue 2 5 7 4
Praticiens libéraux spécialisés Sage-femme 50 55 48 51
Praticiens libéraux spécialisés Gynécologue 8 17 17 14
Praticiens libéraux spécialisés Pédiatre 12 25 20 12
Praticiens libéraux spécialisés Psychiatre 1 4 7 4
  • Sources : SNIIR-AM CNAM-TS 2013 / Insee, Recensement de la population 2013.

Figure 2L'Ouest et le Sud attirent davantage les masseurs-kinésithérapeutesDensité de professionnels de santé libéraux par microrégion en 2013

  • Sources : SNIIR-AM CNAM-TS 2013 / Insee, Recensement de la population 2013.

Des généralistes accessibles rapidement

La présence des médecins généralistes sur l’ensemble du territoire favorise leur accessibilité. La quasi-totalité des Réunionnais résident à moins de 10 minutes en voiture du médecin généraliste le plus proche (95 %) et 80 % d’entre eux à moins de 5 minutes (figure 3). À pied, la moitié habitent à moins de 10 minutes. Cependant, 117 000 personnes, le plus souvent domiciliées dans les Hauts de l’île, en sont éloignées d’une demi-heure ou plus.

La population du Nord de l’île, plus urbaine, se rend plus facilement à pied chez le médecin généraliste : 62 % en moins de 10 minutes. À l’inverse, dans le Sud, plus rural, ce n’est le cas que de 44 % des habitants.

Figure_3aLes médecins généralistes sont facilement accessibles en voiture comme à pied - Temps d’accès au médecin généraliste le plus proche en voiture

  • Note: ces cartes résultent d’une anamorphose sur la population carroyée. Chaque carreau a été déformé pour tenir compte de sa densité de population. Les contours des communes ont alors été modifiés.
  • Sources : Insee, BPE 2015 et distancier Metric; temps d’accès Google Map.

Figure_3bLes médecins généralistes sont facilement accessibles en voiture comme à pied - Temps d’accès au médecin généraliste le plus proche à pied

  • Note: ces cartes résultent d’une anamorphose sur la population carroyée. Chaque carreau a été déformé pour tenir compte de sa densité de population. Les contours des communes ont alors été modifiés.
  • Sources : Insee, BPE 2015 et distancier Metric; temps d’accès Google Map.

Des soins de premier recours plus fréquents qu’en métropole

En 2013, les Réunionnais ont consulté en moyenne 6 fois sur l’année un médecin généraliste, 4 fois un masseur-kinésithérapeute, 19 fois un infirmier et une fois un chirurgien-dentiste (figure 4). Les Réunionnais consultent davantage que les Métropolitains ou les autres ultramarins. En particulier, les Réunionnaises vont plus chez leur généraliste que les Métropolitaines, notamment entre 19 et 64 ans, probablement en lien avec un nombre moins important de gynécologues.

Les Réunionnais font appel deux fois plus qu’en métropole à un infirmier libéral. La bonne implantation de ces professionnels, la plus forte prévalence de maladies chroniques (diabète) et la politique du maintien à domicile des personnes âgées expliquent ce recours plus important aux infirmiers libéraux.

Figure 4Deux fois plus d'actes infirmiers à La Réunion qu'en métropole

en nombre
Deux fois plus d'actes infirmiers à La Réunion qu'en métropole (en nombre)
La Réunion France métropolitaine Antilles-Guyane
Praticiens libéraux de premier recours Infirmier 18,5 8,3 15,3
Praticiens libéraux de premier recours Médecin généraliste 5,9 4,4 2,9
Praticiens libéraux de premier recours Masseur-kinéthérapeute 4,0 3,5 2,4
Praticiens libéraux de premier recours Dentiste 0,9 1,0 0,5
Praticiens libéraux spécialisés Ophtalmologue 0,3 0,4 0,3
Praticiens libéraux spécialisés Gynécologue 0,6 0,6 0,5
Praticiens libéraux spécialisés Sage-femme 0,6 0,2 0,4
Praticiens libéraux spécialisés Pédiatre 0,7 0,8 0,5
Praticiens libéraux spécialisés Psychiatre 0,1 0,3 0,0
  • Sources : SNIIR-AM CNAM-TS 2013 / Insee, Recensement de la population 2013.

Figure 4Deux fois plus d'actes infirmiers à La Réunion qu'en métropoleNombre moyen d'actes par habitant et par an

  • Sources : SNIIR-AM CNAM-TS 2013 / Insee, Recensement de la population 2013.

Comme ailleurs, les chirurgiens-dentistes sont les praticiens de premier recours les moins consultés. Néanmoins, les habitants de l’île y ont autant recours qu’en métropole, une fois par an, malgré une prévalence importante du diabète qui fragilise la dentition.

Les Réunionnais consultent davantage lorsqu’ils résident dans les zones où les praticiens sont les plus nombreux. Les habitants de l’Est recourent ainsi plus souvent aux soins infirmiers (22 fois en moyenne contre 19 à La Réunion), tandis que les habitants de l’Ouest et du Sud ont plus souvent recours aux masseurs-kinésithérapeutes que dans le reste de l’île.

Pour les soins de premier recours, les patients consultent peu en dehors de leur territoire de résidence: seulement 5 % se font soigner en dehors de leur microrégion de résidence et 15 % hors de leur commune de résidence (46 % en métropole). Néanmoins, 23 % des Réunionnais se déplacent dans une autre commune pour leurs soins dentaires.

Toutefois, ne pas quitter sa commune ne signifie pas consulter au plus près de son domicile. Ainsi, les habitants de l’Est, plus nombreux à trouver un médecin généraliste à moins de 5 minutes en voiture (86 %), consultent davantage en dehors de leur commune (20 %). La plus faible densité des professionnels de santé oblige probablement certains habitants à se déplacer. Les consultations sont aussi certainement plus nombreuses à proximité du lieu de travail, généralement au Nord.

Des spécialistes plus rares et moins accessibles

Les praticiens libéraux spécialisés (ophtalmologues, gynécologues, pédiatres, psychiatres, sages-femmes) sont bien moins nombreux que ceux de premier recours. Leur présence sur l’île est en outre bien plus réduite qu’en métropole. En particulier, seuls 4 psychiatres sont implantés pour 100 000 habitants (10 en métropole). Les pédiatres libéraux sont aussi près d’une fois et demi moins nombreux (17 pour 100000 enfants de moins de 15 ans contre 23).

Seule la densité de sages-femmes est supérieure à celle de métropole (51 pour 100 000 femmes âgées de 15 à 49 ans contre 26). Le recours aux sages-femmes à La Réunion est également deux fois plus élevé qu’en métropole, en lien avec une natalité plus dynamique.

C’est encore l’Est qui pâtit le plus du manque de spécialistes (figure 5). Les ophtalmologues y sont ainsi deux fois et demi moins présents en moyenne régionale, les gynécologues deux fois moins, les pédiatres une fois et demi moins et les psychiatres quatre fois moins. À l’opposé, l’Ouest, qui accueille le centre de rééducation de basse vision et la clinique des Flamboyants au Port, est la région où les ophtalmologues et les psychiatres sont le plus souvent présents (7 pour 100 000 habitants chacun). Le Nord est en outre le mieux doté en sages-femmes et en pédiatres.

Les médecins spécialistes sont absents des Hauts et se concentrent dans les centres-villes des communes les plus peuplées (Saint- Denis, Saint-Paul, Saint-Pierre, Saint-André, Le Tampon et Le Port). En 2015, sur les vingt-quatre communes que compte l’île, treize d’entre elles, regroupant 19 % de la population, ne comptent aucun spécialiste.

De fait, les patients consultent plus souvent un médecin spécialiste en dehors de leur commune de résidence (49 %). Le pédiatre est le spécialiste pour lequel les patients ont le moins consulté en dehors de leur commune de résidence (35 %). À l’opposé, ce sont les consultations chez le psychiatre qui engendrent le plus de déplacements en dehors de la commune du patient (65 %).

Figure_5Les médecins spécialistes se concentrent dans les principaux centres-villes - Localisation des médecins généralistes et spécialistes en 2015

  • Sources : Insee, BPE 2015.

Les temps de trajet sont plus longs pour consulter les professionnels de santé spécialisés (ophtalmologues, psychiatres, gynécologues, pédiatres) les plus proches : ils sont trois fois plus longs que pour les généralistes. Pour accéder à l’ophtalmologue le plus proche 12 minutes en moyenne sont nécessaires en voiture, pour consulter un gynécologue ou un pédiatre 11 minutes (figure 6).

Malgré un nombre de professionnels par habitant plus élevé, c’est dans l’Ouest que la part des habitants situés à 15 minutes ou plus d’un spécialiste est la plus grande. En effet, plus de personnes vivent en altitude: 27 % à 300 mètres ou plus contre seulement 10% dans l’Est ou le Nord. Par exemple, 35 % des habitants de l’Ouest sont situés à 15 minutes ou plus du gynécologue le plus proche contre 20 % dans l’Est. Toutefois, c’est dans l’Est et le Sud que les temps de trajet les plus longs, supérieurs à 30 minutes, sont les plus fréquents, notamment à Sainte-Rose, à Salazie, à La Plaine-des-Palmistes et Cilaos.

Figure_6aDes temps de trajet trois fois plus longs pour accéder aux médecins spécialistes - Temps d’accès au médecin spécialiste le plus proche

  • Note: ces cartes résultent d’une anamorphose sur la population carroyée. Chaque carreau a été déformé pour tenir compte de sa densité de population. Les contours des communes ont alors été modifiés.
  • Sources : Insee, BPE 2015 et distancier Metric; temps d’accès Google Map.

Figure_6bDes temps de trajet trois fois plus longs pour accéder aux médecins spécialistes - Temps d’accès au médecin spécialiste le plus proche

  • Note: ces cartes résultent d’une anamorphose sur la population carroyée. Chaque carreau a été déformé pour tenir compte de sa densité de population. Les contours des communes ont alors été modifiés.
  • Sources : Insee, BPE 2015 et distancier Metric; temps d’accès Google Map.

Urgences : un Réunionnais sur dix à plus de 30 minutes

Les Réunionnais accèdent aux services hospitaliers les plus proches en 16 minutes en moyenne, dont la moitié en moins de 15 minutes (figure 7). En 2015, La Réunion compte dix établissements hospitaliers principaux exerçant des soins de courte durée en médecine, chirurgie et obstétrique (MCO) : quatre sites hospitaliers publics à Saint-Denis, Saint-Pierre, Saint-Paul et Saint-Benoît et six cliniques privées, à Saint- Denis, au Port et au Tampon.

Les temps d’accès sont plus longs dans le Sud (19 minutes) que dans les autres microrégions (17 minutes dans l’Est et l’Ouest, 11 minutes dans le Nord). Dans le Sud, microrégion la plus vaste et la plus peuplée, les temps de trajet dépassent plus souvent les 30 minutes (14 % contre 1 % dans le Nord), notamment pour les habitants de Cilaos ou de Saint-Philippe pour lesquels l’hôpital le plus proche se situe à Saint-Pierre.

Régulées par le Service d'aide médicale urgente (Samu), les Structures mobiles d’urgence et de réanimation (Smur) des quatre sites hospitaliers publics sont en capacité d’intervenir auprès de l’ensemble de la population en 19 minutes en moyenne. La moitié de la population est accessible par un Smur en moins de 18 minutes. Cependant, 10 % des habitants, vivant principalement dans les Hauts, sont à plus de 30 minutes d’un Smur. La plupart habitent dans le Sud (60 %).

Figure_784 000 Réunionnais à plus de 30 minutes des urgences - Temps d’accès au service d’urgence le plus proche

  • Sources : Insee, BPE 2015 et distancier Metric; temps d’accès Google Map.

La Réunion est autonome en matière de soins hospitaliers

En 2013, 142 000 hospitalisations de court séjour en médecine, chirurgie et obstétrique couvrant les 27 spécialités les plus fréquentes au niveau national ont été recensées à La Réunion (Méthode). Les services hospitaliers du département assurent la prise en charge de la plupart des spécialités. Cette amélioration s’accélère depuis la création du Centre hospitalier universitaire (CHU) de La Réunion, issu de la fusion des centres hospitaliers Félix Guyon à Saint-Denis et Alfred Isautier à Saint-Pierre en 2012.

La quasi-totalité de la population se fait hospitaliser localement (98 %). La Réunion est ainsi une des régions les plus autonomes, autant que le Nord-Pas-de-Calais et l’Alsace. Dans les autres régions insulaires, l’autonomie est moindre (95 % en Martinique, 94 % en Guadeloupe et 85 % en Corse). Pour quelques spécialités hospitalières, l’autonomie est un peu moins grande : la neurochirurgie (93 %), la chirurgie cardiaque (94 %), les grands brûlés (95 %), la chirurgie infantile (96 %), l’hématologie et la chirurgie thoracique (97 % chacune).

Seuls 2 250 résidents réunionnais, dont un millier ont fait l’objet d’un transfert sanitaire, se sont faits hospitaliser à l’extérieur de l’île en 2013. La majorité d’entre eux ont été admis dans un établissement hospitalier d’Île-de-France (57 %). La pédiatrie médicale en est le motif le plus fréquent (une hospitalisation sur cinq).

Symétriquement, les services hospitaliers implantés à La Réunion accueillent peu de patients résidant en France hors du département (2 400). Ils résident le plus souvent à Mayotte (40 %). La pédiatrie médicale en est également la première cause (18 %).

Moins de recours aux soins hospitaliers qu’en métropole

Les Réunionnais recourent moins fréquemment aux soins hospitaliers qu’en métropole (170 hospitalisations pour 1 000 habitants contre 216). Cet écart de 46 points s’explique en partie par la jeunesse de la population: à structure par âge identique, l’écart se réduit de moitié. C’est entre 40 et 69 ans que l’écart avec la métropole est le plus élevé (177 contre 219 pour 1 000 habitants). À l’inverse, les personnes âgées de 70 ans ou plus, en proportion deux fois moins nombreuses sur l’île, ont recours presque aussi fréquemment qu’en métropole aux services hospitaliers (463 contre 483 pour 1 000 habitants). Dans l’Est, ces personnes sont même plus souvent hospitalisées (507 pour 1 000 habitants) (figure 8). En revanche, les jeunes enfants de moins de 3 ans séjournent moins souvent à l’hôpital qu’en moyenne régionale (267 contre 283 pour 1 000 habitants).

Figure 8Les 70 ans et plus de l'Est sont plus souvent hospitalisés

nombre de séjours pour 1000 habitants
Les 70 ans et plus de l'Est sont plus souvent hospitalisés (nombre de séjours pour 1000 habitants)
Est Nord Ouest Sud
Ensemble 179 177 163 165
0-2 ans 267 262 298 295
3-18 ans 107 97 87 89
19-39 ans 158 152 152 143
40-69 ans 190 192 170 167
70 ans et plus 507 459 450 458
  • Source : PMSI 2013.

Figure 8Les 70 ans et plus de l'Est sont plus souvent hospitalisésTaux de recours aux soins hospitaliers en médecine, chirurgie et obstétrique

  • Source : PMSI 2013.

En 2013, près d’un séjour sur quatre a eu pour motif d’hospitalisation la pédiatrie médicale (13 %) ou la maternité (10 %). Ainsi, 13 900 accouchements ont eu lieu dans les sept maternités de l’île. Le temps de trajet moyen pour accéder à la maternité la plus proche est de 17 minutes. L’accessibilité des maternités est comparable à celle des services hospitaliers dans leur ensemble, celles-ci étant le plus souvent localisées au sein des principaux établissements publics ou privés. Les femmes résidant dans le Nord bénéficient des temps de trajet les plus faibles (13 minutes en moyenne), tandis que celles du Sud font face aux temps de trajet les plus élevés (19 minutes). Par ailleurs, 9 % de la population est à plus de 30 minutes d’une maternité, le plus souvent dans le Sud.

Plus d’un patient réunionnais sur cinq séjourne dans un établissement hospitalier situé en dehors de sa microrégion. La pédiatrie médicale (16 %) et la cardiologie (15 %), spécialités qui ne sont pas dispensées dans tous les établissements hospitaliers, sont les principaux motifs de ces hospitalisations.

La moitié des patients de l’Est et un tiers de ceux de l’Ouest séjournent à l’extérieur de leur microrégion, reflétant ainsi la forte attractivité des deux principaux sites du CHU Nord et Sud. Les déplacements des habitants de l’Est s’orientent essentiellement vers un service hospitalier de Saint-Denis, certainement pour palier à l’absence de spécialités traitées sur leur territoire de résidence (GHER de Saint-Benoît). Les pathologies relatives à la pédiatrie médicale en sont le motif d’hospitalisation le plus fréquent (21 %).

Lorsqu’ils quittent leur microrégion, les patients de l’Ouest le font le plus souvent pour des pathologies cardiaques (17 %).

La stratégie de santé pour les Outre-mer

La stratégie de santé pour les Outre-mer de mai 2016 pose comme objectif de réduire les inégalités d’accès aux soins et d’améliorer les prises en charge. Cette priorité s’inscrit dans le prolongement du Pacte territoire santé, mis en place en 2012, visant à lutter contre les déserts médicaux et à favoriser l’accès de tous à des soins de qualité sur l’ensemble du territoire national. La loi de modernisation du système de santé, promulguée en janvier 2016, vise à réorganiser les soins de proximité autour du médecin généraliste et parachève ainsi cette ambition d’améliorer l’accessibilité aux soins.

Pour les usagers, cela se concrétise notamment par :

- L’encouragement à l’exercice coordonné entre les professionnels de santé au travers des maisons de santé pluriprofessionnelles (ou Pôles de Santé). Elles regroupent a minima deux médecins, un personnel paramédical autour d’un projet de santé commun. Il en existe dix en 2016, axées sur la prise en charge du diabète, de l’obésité, de la périnatalité, de la petite enfance, de l’asthme, de la déficience visuelle et du trouble de l’apprentissage;

- Le développement de la télémédecine pour faciliter l’accès du patient aux soins en lui permettant d’accéder aux médecins spécialistes via les technologies numériques. Ainsi, la télédialyse mise en place dans les locaux de l’Association pour l’utilisation du rein artificiel à La Réunion (Aurar) de Saint-Pierre, permet un confort tant pour les patients que pour les médecins et un gain de temps pour tous ;

- Des projets e-santé par Océan Indien innovation santé (OIIS) pour améliorer le parcours coordonné des patients atteints de maladies chroniques. Par exemple, le projet Retino 974 vise à améliorer le dépistage précoce de la rétinopathie diabétique (complication grave du diabète et cause majeure de malvoyance et de cécité) des patients en rupture avec leur parcours de santé.

Outre ces initiatives, La Réunion est le seul département à disposer du tiers-payant généralisé depuis 2002, ce qui contribue à faciliter le recours aux soins de la population de l’île. Ce dispositif sera normalement étendu sur l’ensemble du territoire national en 2017.

Quatre consultations sur dix sous le régime de la CMU chez le généraliste

En lien avec le plus faible niveau de vie des Réunionnais, les consultations sont plus souvent couvertes par la Couverture maladie universelle (CMU), quel que soit le praticien: 4 consultations sur 10 chez le généraliste ou chez le dentiste, soit 5 fois plus qu’en métropole. En outre, la proportion d’actes couverts par la CMU est même plus importante que dans les autres DOM (hors Mayotte) pour la plupart des professionnels de santé.

Le nombre d’actes sous le régime de la CMU est nettement supérieur dans l’Est, zone la plus pauvre de l’île: 47% des consultations chez le pédiatre sont concernées par la CMU contre 30 % dans le Nord.

En règle générale, pour les plus modestes, le reste à charge du patient peut constituer un frein à se soigner. Mais cela n’est pas le cas à La Réunion. En effet, l’accès à la médecine de ville y est favorisé par la large diffusion de la CMU complémentaire (37 % de la population couverte contre 7 % en métropole en 2013), mais également par la généralisation du tiers-payant appliqué sur l’île depuis 2002.

Partenariat

Cette publication a été réalisée dans le cadre d’un partenariat entre l’Insee et l’Agence régionale de santé océan Indien (ARS OI). A également participé à la réalisation de cette étude: Éric Mariotti (ARS OI).

Pour comprendre

La Drees et l'Insee ont développé une méthodologie d'analyse de l'accessibilité des services de santé en ville ou à l'hôpital, qui mobilise principalement deux bases de données: le Programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI) pour les soins hospitaliers et le Système national d'informations inter-régimes de l'assurance maladie (SNIIR-AM) pour les soins de ville.

Les données du PMSI sont limitées aux séjours de médecine, chirurgie et obstétrique (MCO) pour les courts séjours. Un séjour correspond à une hospitalisation, y compris de jour. Un même patient peut avoir effectué plusieurs séjours dans un ou plusieurs établissements. Pour chaque séjour, le PMSI précise la commune d’implantation de l’établissement hospitalier et la commune de résidence du patient. 27 spécialités hospitalières ont été retenues: pédiatrie médicale, maternités, chirurgie orthopédique, cardiologie, endoscopies digestives, ophtalmologie, urologie, hépato-gastro-entérologie, gynécologie, pneumologie, ORL, chirurgie viscérale, neurologie médicale, néphrologie médicale, stomatologie, IVG, endocrinologie, hématologie, rhumatologie, chirurgie vasculaire, dermatologie, chirurgie infantile, neurochirurgie, chirurgie cardiaque, chirurgie thoracique, assistance médicale à la procréation, grands brûlés. Celles-ci concentrent 142000 hospitalisations, soit un peu plus des trois quarts de l’ensemble des séjours recensés par l’ATIH (Agence technique de l’information hospitalière). Les séjours non retenus concernent entre autres la médecine vasculaire, les affections de la période périnatale, les maladies infectieuses, la psychiatrie, la toxicologie, ou encore la chirurgie inter-spécialités.

Les professions de santé retenues dans l’analyse sont les suivantes :

- pour les praticiens de premier recours, les médecins généralistes, les dentistes, les infirmiers et les masseurs-kinésithérapeutes;

- pour les praticiens spécialisés, les ophtalmologues, les gynécologues, les pédiatres, les psychiatres et les sages-femmes.

Les densités de professionnel de santé sont calculées comme le rapport entre le nombre de professionnels de santé et la population. Pour les gynécologues, la population de référence est celle des femmes âgées de 15 ans ou plus, pour les sages-femmes celle des femmes âgées de 15 à 49 ans et pour les pédiatres celle des enfants de moins de 15 ans.

Les données présentées sont relatives à l’année 2013.

Les temps d’accès sont estimés par l’application Google Maps, qui les détermine en retenant le temps de trajet le plus court entre un point et un autre, en circulation « normale » ou fluide. Les temps ainsi retenus sont pondérés par l’ensemble de la population localisée au niveau du carreau (200 m de côté). Les professionnels de santé et les établissements hospitaliers sont localisés à leur adresse exacte grâce à la Base permanente des équipements (BPE) de 2015.

Les données relatives à la localisation des professionnels de santé sont les plus récentes et peuvent légèrement différer de celles utilisées dans la base SNIIR-AM, qui ne permet pas leur localisation à l’adresse exacte mais à la commune.

Les temps de calcul d’accès présentés dans cette étude ne sont pas comparables avec ceux de métropole, qui ne calculent que les temps de commune à commune et non infracommunaux. La méthode employée en métropole génère par conséquent un temps de trajet nul pour la population se faisant soigner dans sa commune.

Pour en savoir plus

Couillaud A., Camus M., « Soins de ville en Martinique : des praticiens proches mais peu nombreux », Insee Dossier Martinique n° 1, octobre 2014;

Evain F. (Drees), Bigard M., Levy D. (Insee), « Une hospitalisation en court séjour sur deux a lieu à moins de 20 minutes du domicile », Insee Première n° 1397, mars 2012;

Service Études et Statistiques de l'ARS OI, « Ouvrir dans un nouvel ongletTerritoires de santé Réunion / Mayotte », Dossier Statistiques n° 5, février 2012.