Dans une expertise publiée sur Outremers360, l’Institut d’Émission des Départements d’Outre-mer (IEDOM) fait état d’une situation démographique « historique » à La Réunion : « pour la première fois », en 2020, « le nombre de seniors (50 ans ou plus) y a dépassé celui des moins de 20 ans, en atteignant 278 000 individus ». D’ici 2050, cette tendance va s’amplifier, avec une population senior estimée à 371 000 personnes, soit 36% de la population totale. L’IEDOM explique ici les impacts de ce bouleversement démographique.
En 2020, La Réunion fait face à une situation historique : pour la première fois, le nombre de seniors (50 ans ou plus) y a dépassé celui des moins de 20 ans, en atteignant 278 000 individus. D’ici 2050, cette tendance va s’amplifier, avec une population senior estimée à 371 000 personnes, soit 36% de la population totale. Parmi eux, le nombre de personnes âgées de 75 ans ou plus triplera, passant de 43 000 personnes en 2020 à 124 000 personnes en 2050.
Ce vieillissement s’explique principalement par deux facteurs : l’arrivée à un âge avancé des générations nombreuses nées dans les années 1960-1970, et l’allongement continu de l’espérance de vie qui devrait atteindre en 2025 82,5 ans pour les hommes (+4,5 ans par rapport à 2020) et 86,2 ans pour les femmes (+1,9 ans). Bien que La Réunion reste relativement jeune, cette évolution démographique pose des défis majeurs pour l’économie locale.
Une croissance modérée de la population active
Le vieillissement de la population réunionnaise aura un impact direct sur le marché du travail. La population en âge de travailler (15-64 ans) n’augmentera que de 5 % d’ici 2050, de 564 000 à 594 000 personnes. Entre 1990 et 2009, la population en âge de travailler avait augmenté de 20 % par décennie, avant de ralentir à +4 % entre 2009 et 2020. Cette progression limitée, bien inférieure à celle de la population totale (+15 %), devrait réduire la pression démographique sur le marché du travail. Toutefois, la part de la population active dans la population totale devrait diminuer.
Des progrès pour l’emploi des seniors, mais un niveau inférieur à l’Hexagone
Malgré une hausse attendue des taux d’activité des 50-64 ans, le nombre d’actifs seniors (en emploi ou en recherche d’emploi) n’augmentera qu’à la marge d’ici 2050, passant de 101 000 à 103 000 personnes. Cette stagnation s’explique par la baisse démographique de cette tranche d’âge, partiellement compensée par une augmentation des taux d’activité, notamment chez les femmes.
En 2020, 58 % des 50-64 ans étaient actifs à La Réunion, contre 44 % en 2007. Cette progression, plus marquée chez les femmes (de 40 % à 54 %) que chez les hommes (de 55 % à 62 %), reflète une participation croissante au marché du travail. Cependant, le taux d’activité des seniors réunionnais reste inférieur à la moyenne nationale (67 %), en raison de réalités locales persistantes : accès plus difficile à l’emploi pour les femmes, importance historique du travail informel, et niveau de formation plus faible pour les générations nées avant les années 1980.
Une hausse du revenu disponible par habitant
À l’horizon 2050, le revenu disponible par habitant devrait augmenter de 6 %, sous l’effet des seules évolutions démographiques. Cette progression s’explique par la hausse de la part des ménages de 60 ans ou plus dans les revenus totaux, qui passera de 32 % en 2021 à 43 % en 2050. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, le vieillissement aurait donc un effet positif sur le revenu disponible moyen, car le revenu moyen des ménages retraités est supérieur à celui des jeunes ménages.
Une consommation en mutation
Les seniors réunionnais dépensent en moyenne 13 % de moins que l’ensemble des ménages, mais leur panier de consommation diffère sensiblement. Leurs dépenses en transport, loisirs, habillement, meubles et électroménager sont bien inférieures à la moyenne, en raison d’un mode de vie plus sédentaire et d’un équipement déjà important. En revanche, ils consacrent davantage de leur budget à la santé, à l’alimentation et à l’entretien de leur logement.

- À La Réunion, impacts et conséquences d’un vieillissement démographique accéléré
Le vieillissement de la population devrait donc accélérer la transition vers une économie orientée vers les services (hors transport), au détriment des biens de consommation, notamment importés. Cette évolution entraînera des répercussions sur les secteurs économiques locaux, en favorisant les activités liées à la santé, à l’aide à domicile et aux services de proximité.
Une épargne en hausse, mais peu diversifiée
Le vieillissement s’accompagnera également d’une augmentation de l’épargne, les 65 ans ou plus disposant en moyenne d’un patrimoine financier plus important que les autres classes d’âge. Près des trois quarts des seniors réunionnais sont propriétaires de leur logement et ont moins recours aux crédits grâce à leur capital accumulé tout au long de leur vie. Toutefois, leur épargne reste peu diversifiée : ils privilégient les placements liquides et sécurisés, comme les livrets réglementés, au détriment des actifs risqués. En 2015, seulement 17 % des ménages réunionnais détenaient une assurance-vie, contre 36 % dans l’Hexagone.
Des besoins accrus en services à la personne
Avec le vieillissement, la demande en services spécifiques pour les personnes âgées dépendantes va croître de manière significative. À La Réunion, les seniors sont plus touchés par la perte d’autonomie : en 2015, 19 % des 60 ans ou plus étaient en situation de dépendance, contre 15 % dans l’Hexagone.
Or, seuls 3 % des 75 ans ou plus vivent en institution à La Réunion, contre près de 9 % en France. Le maintien à domicile, favorisé par des politiques publiques adaptées et une tradition de cohabitation intergénérationnelle, reste la norme. En 2021, 63 % des seniors de 85 ans ou plus ne vivaient pas seuls, contre 43 % dans l’Hexagone. Cependant, le réseau d’aidants familiaux se réduit, en raison de la baisse de la natalité, de la mobilité des jeunes générations et de l’augmentation de l’emploi féminin.
Le nombre de ménages utilisateurs de services à la personne pourrait ainsi augmenter d’un tiers d’ici 2050. En 2019, ce secteur représentait déjà 6 % de l’emploi total à La Réunion, une part plus élevée qu’en moyenne nationale.
Un coût croissant pour les finances publiques
Les dépenses liées à la dépendance ont déjà augmenté de 25 % entre 2019 et 2023. Selon les projections, elles pourraient être multipliées par 2,3 à 2,5 à l’horizon 2050, représentant un défi financier majeur pour la collectivité. Le Département de La Réunion, en première ligne pour le financement de la dépendance, devra anticiper cette hausse des coûts, en renforçant les infrastructures et les ressources humaines dédiées.