Page 86 - Rapport annuel économique 2022 - Mayotte
P. 86
1.2 UNE ACTIVITE AGRICOLE SOUMISE A DE FORTES CONTRAINTES
Les agriculteurs mahorais font face à diverses contraintes dans l’exercice de leur activité. La rareté du foncier, la quasi-absence d’infrastructures de collecte, de transformation et de stockage pèsent sur la structuration des filières et la pérennité des exploitations. Souvent considérée comme une activité de subsistance à caractère familial et informel, l’agriculture mahoraise peine à se professionnaliser et à concurrencer les produits importés.
1.2.1 Une activité économique informelle
La part du secteur informel dans l’agriculture locale est conséquente. En 2018, Près de 80 % de la production ne serait pas déclarée, participant à l’économie informelle, contre 75 % dans les autres DOM8. Sous l’effet des fortes dynamiques démographiques et migratoires, le phénomène d’informalisation s’intensifie. Les personnes en situation irrégulière ont le plus souvent recours à l’agriculture comme moyen de subsistance. Ils s’installent de manière illégale sur les terrains inoccupés - qui sont le plus souvent des terrains à fortes pentes - et privilégient les cultures de manioc et de banane, qui ont des cycles courts.
L’informalisation du secteur n’est pas sans conséquence sur l’espace. Les pratiques culturales associées sont fortement impactantes pour l’environnement (défrichements, brûlis, etc.) et favorisent une exploitation anarchique des sols. Selon l’Office National des Forêts (ONF), le rythme de déforestation lié à la mise en culture (illégale et légale) est de 280 hectares/an, entre 2011 et 20169, soit un défrichement de 6,7 % du couvert boisé de Mayotte (1,2 ha par an).
Les objectifs des services de la direction de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DAAF) tendent vers une formalisation des agriculteurs notamment par la formation. Il existe également un volet prohibitif en coopération avec les services de gendarmerie et de police s’articulant autour de l’interdiction de vente de produits qui ne passerait pas par les filières formelles. Enfin, les agents du Conseil Départemental, de l’ONF, de la DAAF, toujours avec l’appui de la gendarmerie et de la police, procèdent à la destruction des cultures illégales (près de 27 hectares ont ainsi été réhabilités en 2021).
1.2.2 L’accès au foncier
Outre les difficultés d’accès à leur parcelle, faute de voirie et de pistes agricoles exploitables par tous les temps, les agriculteurs mahorais sont confrontés à la disponibilité et la maîtrise du foncier.
Historiquement régi par le droit coutumier local, le foncier mahorais relevait d’un droit d’« usus fructus » établi sur la valorisation de la terre par le bénéficiaire et se fondait sur une tradition orale. Ce droit reconnaissait la propriété collective à usage familial des parcelles et reposait sur l’indivision des terres.
En 1992, le cadastrage de l’île marque un premier pas dans la transition du droit coutumier au droit français. Si le cadastre couvre l’ensemble de l’île à ce jour, la régularisation du foncier est toujours en cours. Le processus est freiné par les problématiques d’indivision et l’attente des titres de propriété par des propriétaires coutumiers. Ainsi, en 2018, 70 % du foncier est détenu par le Conseil départemental, et des problématiques d’indivision importantes peuvent concerner les 30 %
8 Évaluation thématique « Appui aux porteurs de projets » du PDR de Mayotte 2014-2020
9 Donnée issue de la cartographie d’occupation des sols à grande échelle (OCS Ge) de l’IGN pour les années 2011 et 2016,
intégrant les plantations, les peuplements de feuillus avec un taux de couvert arboré supérieur à 75 % et les formations forestières couvertes d’un tapis de lianes.
84